Pour se mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne (UE), la Cour de cassation a rendu le 13 septembre 2023 plusieurs arrêts dans lesquels elle améliore les droits des salariés aux congés payés. Elle permet notamment l’acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie ou accident non professionnel.
https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16756
Jusqu’à présent, en vertu de la loi, il n’était pas possible d’acquérir des jours de congés payés durant un arrêt de travail. Cette disposition du Code du travail a été jugée contraire au droit de l’Union européenne par la Cour de cassation. Elle se base sur l’article 31 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE et sur l’article 7 de la Directive 2003/88.
La Cour considère désormais que les arrêts maladie constituent des périodes de travail effectif déterminant la durée du congé au même titre que les congés maternité ou les congés payés par exemple.
Par trois arrêts rendus en formation plénière le 13 septembre dernier, la Cour de cassation remet en cause les solutions retenues jusqu’à présent concernant tant l’acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail que la prescription du droit à l’indemnité de congés payés.
En effet, la Cour de cassation, opérant une véritable révolution :
- permet à l’agent d’acquérir des congés payés pendant un arrêt de travail sans limitation de durée, même pour maladie ou accident d’origine non professionnelle ;
- et précise que le délai de prescription des congés ne commence à courir si l’employeur a mis l’agent en mesure d’exercer son droit.
Ce faisant, la Cour de cassation met le droit français en conformité avec le droit européen.
Ces décisions interviennent après la condamnation de la France par la Cour administrative d’appel de Versailles le 17 juillet 2023 pour défaut de transposition de la directive 2003/88/CE dite «Temps de travail» (CAA de Versailles, 17 juillet 2023, n°22VE00442), alors même que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’était déjà prononcée en faveur de l’acquisition de jours de congés payés pendant les périodes de maladie dès 2009 (CJUE, 20 janvier 2009, Aff. C-350/06, Schultz-Hoff, point 41).
Un agent en arrêt de travail pour maladie ou accident, de nature professionnel ou non, acquiert des congés payés sans limitation de durée
LA MISE EN CONFORMITE DU DROIT FRANÇAIS AVEC LE DROIT DE L’UNION RENDUE POSSIBLE PAR UN CHANGEMENT DE CONTEXTE
Jusqu’à présent, la Cour de cassation s’était toujours refusée à appliquer directement les solutions retenues par la CJUE en matière de congés payés au motif que les directives n’ont pas d’effet entre les particuliers et que cela conduisait à une interprétation contra legem des dispositions du Code du travail (Cass soc., 13 mars 2013, n°11-22.285).
Néanmoins, depuis 2013, la Haute Juridiction invitait le législateur, par le biais de ses rapports annuels à modifier les articles L.3141-3 al.1er et L.3141-5 du Code du travail en ce qu’ils disposent respectivement que :
- « Le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur »;
- « Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé : (…) 5° Les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle » (ce qui signifie à contrario que les périodes de suspension pour cause d’accident de droit commun ou de maladie non professionnelle ne sont pas considérées comme des périodes de travail effectif).
La Cour de cassation considérait en effet que ces dispositions devaient être mises en conformité avec les dispositions de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, telles qu’elles sont interprétées par la CJUE, laquelle retient que la directive n’opère pas de distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé maladie au cours de la période de référence et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de cette période (CJUE, 24 janvier 2012, aff. C-282/10, Dominguez).
La Cour a décidé que le délai de prescription de l’indemnité de congés payés ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congés payés.
QUELLES CONSEQUENCES PRATIQUES POUR LES ENTREPRISES ?
Ces décisions, qui écartent pour la première fois les dispositions du droit national sur l’acquisition des congés payés, font naitre un risque juridique nouveau pour toutes les entreprises confrontées à des arrêts de travail pour maladie ou accident.
En effet, les décisions de la Cour de cassation ayant une portée rétroactive, tout salarié ayant eu, par le passé, un arrêt de travail l’ayant privé d’une partie de ses congés payés légaux ou conventionnels, est désormais fondé à saisir le conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir l’indemnité compensatrice correspondante.
Quid des recours pour les agents de la fonction publique ?
Si le délai de prescription des congés payés est en principe de trois ans à compter de l’expiration de la période au cours de laquelle ils auraient pu être pris, on ne peut exclure, s’agissant de congés payés qui n’ont pas été accordés par l’employeur, que la demande puisse, au regard de la position adoptée par la Cour de cassation, porter sur une période plus longue.
Il pourrait en effet être soutenu que l’employeur n’a pas mis le salarié en mesure d’exercer son droit à congés de sorte que la prescription n’a pas commencé à courir.
Face à une telle situation, les employeurs se trouvent placés devant l’alternative suivante :
- soit, en amont de tout contentieux, régulariser spontanément la situation de tous les salariés concernés ;
- soit attendre l’issue des contentieux individuels susceptibles d’être initiés par les salariés pour procéder, au cas par cas, à cette régularisation.
Le SNT Vosges vous informera des modalités de mise en œuvre de ces mesures pour la fonction publique territoriale dès leur parution.