Dans le contexte actuel où les services publics sont soumis à des tensions, il est essentiel de se concentrer sur l’attractivité, la fidélisation et le maintien de l’emploi. Les parcours de changement professionnel ont souvent été perçus comme une série de situations individuelles, dont la gestion incombe principalement à chaque individu. Cependant, l’absence d’anticipation de ces questions entraîne une prolifération de problèmes dont l’impact devient collectif au sein des équipes, des services et des collectivités.
La reconversion professionnelle n’est pas un sujet nouveau pour le SNT-Vosges. Au cours des dix dernières années, les instances paritaires, telles que le Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale (CSFPT) et le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT), ont organisé des colloques, mené des expérimentations et produit des rapports. Le diagnostic, clair et partagé, est renforcé par les dernières données fournies par le rapport annuel de la Direction Générale de l’Administration de la Fonction Publique sur l’état de la fonction publique 2023, qui offre une comparaison entre les trois versants de la fonction publique. En ce qui concerne l’emploi et les ressources humaines, la Fonction Publique Territoriale (FPT) présente trois caractéristiques spécifiques :
- 75 % des agents territoriaux appartiennent à la catégorie C (21 % dans la FPE, 34 % dans la FPH) et sont plus exposés à des formes de pénibilité physique.
- La FPT a la plus grande proportion d’agents peu ou pas qualifiés, ce qui augmente le risque de décalage avec les exigences de plus en plus élevées du monde du travail en transition. En 2021, 44% des agents territoriaux avaient un diplôme inférieur au bac, 32% avaient un diplôme du supérieur.
- La proportion d’agents d’au moins 50 ans est plus élevée dans la FPT (43 %) que dans les autres versants (33 % dans la FPE et 31 % dans la FPH). Entre 2011 et 2021, la part des fonctionnaires de 50 ans et plus a augmenté de + 13 points dans la FPT (contre + 9 points dans l’ensemble de la fonction publique). De plus, 10 % des fonctionnaires territoriaux ont plus de 60 ans.
Le SNT-Vosges insiste sur le fait que le défi n’est pas tant de disposer de dispositifs et de réglementations, mais de donner aux agents les plus concernés le temps et les moyens de définir et de mettre en œuvre leur parcours de changement professionnel préventif. Dans certaines situations, un accompagnement est nécessaire, non seulement avant, mais aussi tout au long du parcours de transition, jusqu’à son aboutissement.
Ces éléments soulignent une proportion importante d’agents vieillissants avec un niveau de qualification relativement bas. De plus, selon le rapport sur le fonds pour l’usure professionnelle dans la FPT, les agents territoriaux sont plus exposés aux problèmes de santé et d’usure professionnelle, dans des métiers déjà sous tension. Ainsi, les premières leçons tirées du dispositif PPR (période de préparation au reclassement) montrent que le maintien des personnes dans l’emploi est plus complexe si l’on tarde à agir, la majorité des situations se terminant, à l’issue d’une PPR, « par une retraite pour invalidité ou un licenciement pour inaptitude ».
Pour nous, quatre domaines nécessitent une action déterminée et coordonnée pour rendre effectifs les parcours de changement professionnel pour les agents les plus concernés :
- L’accompagnement des parcours :
Les textes récents ont défini deux dimensions dans les parcours professionnels : la formation et l’accompagnement. Sur le plan de l’accompagnement, deux phases sont identifiées : le bilan de parcours professionnel, puis le plan individuel de développement des compétences. Une fonction de conseil et d’accompagnement de parcours est mise en place pour aider à l’élaboration du projet et de ses phases de réalisation concrète. Dans certains cas, l’accompagnement devra être réactivé en cours de parcours pour soutenir, réajuster, faciliter sa réalisation. Des liens entre le rôle de coordination du parcours par le conseil en évolution professionnelle (CEP) et l’accompagnement formatif par le ou les organismes de formation seront à créer. Aujourd’hui, la mise en place d’un CEP n’est pas encore effective sur l’ensemble du territoire et tous les agents n’y ont pas accès de la même manière. Le conseil CEP doit pouvoir être accessible gratuitement à tous les agents.
- La définition et la réalisation des parcours :
Les parcours de changement professionnel interrogent l’offre de formation professionnelle du CNFPT, conçue pour répondre à la professionnalisation et au perfectionnement continu des près de 2 millions d’agents territoriaux. Plusieurs ‘nouveautés’ sont à prendre en compte : l’individualisation des parcours, la possibilité d’accéder à une certification enregistrée au Registre National des Certifications Professionnelles (RNCP), la nouvelle définition de l’action de formation qui intègre la formation en situation de travail, le développement et l’assouplissement de la VAE, l’enjeu du tutorat ou de l’accompagnement au cours des parcours de formation et de certification professionnelle. La certification professionnelle, qui se concrétise par la délivrance d’un ‘diplôme’ officiel, enregistré au RNCP, devient nécessaire pour les agents peu ou pas qualifiés, pour ceux qui se reconvertissent ou pour s’inscrire dans les évolutions de la formation professionnelle des adultes.
- Les financements :
Le rapport relatif au fonds pour la prévention de l’usure professionnelle préconise d »initier un mouvement de fond pour le développement de ces transitions professionnelles préventives, encore très rares malgré les évolutions légales et le soutien des partenaires sociaux. Le terme ‘transitions professionnelles préventives‘ met en évidence la nécessité d’anticipation. Cette préconisation fait écho au rapport du CSFPT de 2021 sur un droit à la reconversion professionnelle. Sur l’aspect financier, ce rapport insiste sur l’anticipation et la prévention, qui permettent des économies en évitant notamment des coûts sociaux de maladie, de retraite anticipée… Il préconise ‘la création d’un fonds dédié et d’une instance paritaire de gestion pour assurer l’effectivité des formations destinées à mettre en œuvre un projet de reconversion professionnelle quel que soit l’employeur’. Espérons que 2024 soit l’année de l’amorçage de ce fonds.
- La gestion des parcours professionnels dans la fonction publique territoriale :
La fonction publique territoriale se trouve à un carrefour en matière de gestion des parcours professionnels. L’objectif est de maintenir, développer, actualiser et valoriser les compétences des agents en poste pour mieux anticiper les changements professionnels. Cela est dans l’intérêt de tous, employeurs et agents, afin de garantir la santé et la qualité du travail, et donc du service public.
Au SNT-Vosges, il nous semble que dans la gestion des parcours professionnels, il est essentiel d’offrir un accompagnement continu aux agents, comprenant des conseils de carrière, du mentorat et des opportunités de formation. Chaque agent devrait avoir un plan de carrière clair qui définit les étapes de progression et les compétences nécessaires pour atteindre ses objectifs. Les employeurs peuvent aider en offrant des opportunités de formation et de développement pour aider les territoriaux à réaliser leurs parcours.
Bien sûr, des ressources financières sont nécessaires pour soutenir ces initiatives de développement professionnel. Il est donc important de prévoir un budget adéquat pour ces initiatives. Une possibilité d’augmenter ces ressources financières pourrait être par le biais de l’épargne salariale au travers d’un fonds spécial. Ce fonds pourrait être alimenté par des contributions volontaires des agents, des contributions de l’employeur, ou une combinaison des deux. Cela pourrait non seulement augmenter les ressources disponibles pour le développement professionnel, mais aussi renforcer l’engagement des agents en leur donnant un rôle actif dans leur propre développement.
Enfin, la gestion des parcours professionnels implique de suivre et de gérer les progrès des agents tout au long de leur parcours professionnel. Cela peut inclure des évaluations de performance régulières, des discussions sur la carrière, et des ajustements au plan de carrière en fonction des besoins et des intérêts changeants de l’agent.
Nous pensons qu’en intégrant ces aspects dans la gestion des parcours professionnels, les services publics peuvent améliorer l’attractivité et la fidélisation des employés, tout en favorisant un environnement de travail positif et productif. C’est une approche globale qui bénéficie à la fois à l’agent et à la collectivité.