Édito

“CIA, la maladie ne doit jamais devenir un critère de reconnaissance”
Par Stéphane MARTIN
Depuis peu, une jurisprudence du Tribunal administratif de Lille, rendue le 28 octobre 2025, a ouvert la porte à une modulation du CIA, le complément indemnitaire annuel, en fonction d’un critère de présence. Concrètement, le tribunal a validé un dispositif où la moitié du CIA dépendait de la présence effective de l’agent, sans distinguer les motifs d’absence, y compris les arrêts maladie. Cela marque un tournant : ce qui semblait auparavant largement illégal devient, dans certaines conditions, juridiquement envisageable. Oui, la jurisprudence évolue. Mais cela ne signifie pas que nous devrions accepter, sans réflexion ni prudence, que la maladie devienne un facteur de modulation du CIA.
Car juridiquement possible ne veut pas dire humainement souhaitable. Dans nos services, nous connaissons toutes et tous ces agents qui se lèvent chaque matin avec la volonté de servir : ceux qui travaillent malgré la douleur, ceux qui portent les services publics à bout de bras, ceux qui n’acceptent l’arrêt maladie qu’en dernier recours lorsque leur état ne leur laisse plus d’alternative. Pour eux, la maladie n’est ni un choix ni un confort : c’est un constat médical, parfois même un acte de responsabilité pour ne pas aggraver leur état. Réduire leur CIA pour cette raison ne pourra jamais être vécu comme un signe de reconnaissance. Et comment pourrait-il en être autrement ?
D’autant que le CIA, paradoxalement, est la part la plus modeste du RIFSEEP… mais aussi la plus symbolique. Le réduire pour cause de maladie n’a qu’un faible impact financier. En revanche, le signal envoyé est désastreux : maladie égale perte de reconnaissance. Le CIA n’a jamais été conçu pour cela. Il doit rester un outil de valorisation de l’implication professionnelle, de la manière de servir, de l’engagement, de ce que chaque agent apporte dans sa présence au service — pas un instrument de sanction, directe ou indirecte.
Dans les mois qui viennent, la collectivité devra réécrire sa délibération RIFSEEP. C’est un moment crucial. Un moment rare où l’on décide du modèle de reconnaissance que l’on veut instaurer. Cette réécriture pourrait être l’occasion d’installer un cadre clair, moderne, transparent, apaisé. Mais elle pourrait aussi devenir le moment où l’on maintien une vision punitive de la maladie. Ce serait une erreur. Ce serait incompris. Ce serait contraire aux attentes des agents, mais aussi contraire à l’esprit du service public.
La gestion des ressources humaines ne se résume pas à des règles ou des tableaux. Elle est d’abord une manière de considérer les agents, de leur accorder de l’attention et du sens. Et dans nos services, tant d’hommes et de femmes donnent chaque jour le meilleur d’eux-mêmes que leur arrêt maladie, souvent vécu comme une épreuve, ne devrait jamais se transformer en perte de reconnaissance financière.
Reconnaitre le travail réel plutôt que la capacité à ne jamais tomber malade, préserver un CIA fondé sur la valeur professionnelle et non sur l’état de santé, et défendre un modèle RH qui soit à la fois cohérent, moderne et profondément humain. Le SNT Vosges continuera à se battre pour que la future délibération RIFSEEP reflète ces principes. Parce que derrière les textes, il y a des personnes. Et parce que le service public mérite une gestion qui ne confonde jamais fragilité et défaillance, ni maladie et manque d’engagement.
Réforme de l’avancement en catégorie B
Un décret qui change la donne pour les agents territoriaux !
Le Décret n° 2025-1098 du 19 novembre 2025 introduit une évolution majeure dans les règles d’avancement de grade en catégorie B. Son objectif : simplifier, assouplir et mieux reconnaître les parcours professionnels.
📢 Ce qui change
1. Suppression du ratio obligatoire entre les deux voies d’avancement
Jusqu’ici, les collectivités devaient respecter un quota strict : au moins un quart des promotions devait obligatoirement passer par l’examen professionnel.
Cette contrainte disparaît.
👉 Cela signifie que :
- Les employeurs peuvent désormais répartir librement les promotions entre la voie au choix et la voie par examen professionnel.
- La gestion des carrières gagne en souplesse et s’adapte mieux aux réalités du terrain.
- Les parcours atypiques, les responsabilités exercées et la valeur professionnelle peuvent être davantage valorisés.
2. Une répartition fondée sur les besoins du service
Les collectivités peuvent désormais calibrer les promotions en fonction :
- des compétences réellement mobilisées,
- de l’expérience acquise,
- de l’évolution des missions,
- de la structure des équipes.
C’est une transformation structurante : l’avancement n’est plus enfermé dans un mécanisme automatique mais devient un véritable levier RH.
⚠️ Ce qui ne change pas
1. Le taux global de promotion reste fixé par l’assemblée délibérante
Le ratio « promus / promouvables » demeure inchangé.
Il continue d’être déterminé :
- par l’assemblée délibérante,
- après avis du comité social territorial (CST).
Autrement dit : la proportion totale de promotions reste encadrée, mais leur répartition interne devient beaucoup plus flexible.
2. Les deux voies d’accès sont maintenues
- Au choix, sur la base de la valeur professionnelle.
- Par examen professionnel.
Seule la contrainte du quart obligatoire disparaît : les deux voies continuent d’exister, et leur usage dépend désormais de la stratégie RH de chaque collectivité.
📅 Entrée en vigueur & application
1. Date d’entrée en vigueur
-
Le décret s’applique depuis le 21 novembre 2025.
2. Application aux tableaux d’avancement
- Les nouvelles règles concernent les tableaux d’avancement établis à compter de 2026.
- Les tableaux de 2026 déjà arrêtés avant le 21 novembre 2025 restent valables jusqu’au 31 décembre 2026.
- En cas d’épuisement des listes en cours d’année, des tableaux complémentaires peuvent être établis selon les nouvelles règles.
✅ Pourquoi cette réforme est une bonne nouvelle — ce que cela change pour vous
1. Plus de souplesse dans les carrières
Les collectivités peuvent adapter l’avancement :
- à leurs besoins réels,
- aux missions exercées,
- aux profils engagés sur le terrain.
Cela évite que des agents méritants soient bloqués par un quota rigide ou par le calendrier d’un examen.
2. Une meilleure reconnaissance des parcours professionnels
La réforme permet de valoriser davantage :
- les responsabilités assumées,
- l’encadrement de proximité,
- l’expérience acquise,
- l’implication quotidienne.
Des agents fortement investis, sans examen professionnel, peuvent désormais être mieux reconnus.
3. Une attractivité renforcée de la catégorie B
Particulièrement utile dans :
- les petites collectivités,
- les services techniques ou de terrain,
- les équipes où un examen professionnel n’est pas toujours pertinent.
- Cela rend la catégorie B plus lisible, plus motivante, et plus cohérente avec la réalité des missions.
4. Des opportunités de promotion plus nombreuses
Selon les choix retenus par la collectivité, les agents peuvent bénéficier :
- d’un avancement plus rapide,
- sans attendre l’organisation d’un examen,
- avec une reconnaissance accrue de l’expérience et du service rendu.
Tableau comparatif : Avant / Après la réforme
| Aspect | Avant (jusqu’au 20/11/2025) | Après (à partir du 21/11/2025) |
| Ratio entre les deux voies | Obligatoire : au moins 1/4 par examen pro | Supprimé : libre répartition |
| Taux global de promotion | Fixé par l’assemblée délibérante | Inchangé |
| Modalités d’application | Tableaux établis selon anciennes règles | Nouvelles règles pour tableaux post-réforme |
| Objectif | Répartition équilibrée entre voies | Souplesse et adaptation aux besoins |
👉 Une réforme qui donne du pouvoir au terrain
Le SNT Vosges suivra attentivement la manière dont les collectivités utiliseront cette marge de manœuvre. L’objectif est clair : que la souplesse offerte par le décret se traduise réellement par plus de justice, plus de reconnaissance et plus de transparence dans l’avancement des agents.

0 + 0 = –2… ou l’art magique de fabriquer des RTT que personne n’a jamais générés
Il existe des collectivités innovantes. Très innovantes. Trop innovantes.
Grâce à une créativité administrative hors du commun, certaines réussissent l’exploit mathématique suivant : imposer des jours de RTT… à des agents qui n’en ont pas générés.
Un tour de passe-passe qui ferait pâlir les plus grands illusionnistes, mais qui a un léger défaut : c’est totalement contraire aux textes.
Bienvenue dans le monde merveilleux du RTT négatif imposé, où 0 + 0 peut soudain donner –2.
Le cadre légal… que certains semblent avoir lu à l’envers
Il est pourtant simple :
- La durée du travail dans la FPT, c’est 1607 h (décret n°2001-623).
- Les RTT ne tombent pas du ciel : ils compensent un horaire hebdomadaire supérieur à 35 h.
- Les règles locales (cycles, annualisation, reports, régulations) sont fixées par délibération après avis du CST.
Bref : pas de sur-horaire = pas de RTT.
Mais manifestement, certains services RH ont inventé la RTT quantique : un droit existe même quand il n’existe pas.
Comment fabrique-t-on un solde négatif ?
De deux façons très classiques :
-
Absences non comptabilisées (ex. maladie, congé sans traitement) → l’agent ne génère pas les RTT attendus.
-
Prise anticipée de RTT dans un cycle annualisé → on consomme avant d’avoir produit.
Dans un monde normal, on régularise.
Dans un monde parallèle, on accuse l’agent d’être « en négatif » et on lui impose des RTT qu’il n’a jamais acquis.
La cohérence n’est pas invitée.
Régulariser : ce que disent les textes (et seulement les textes)
Les seules solutions prévues, et uniquement si elles sont écrites noir sur blanc dans la délibération :
- Déduction sur rémunération en fin d’année ou au départ.
- Imputation sur congés annuels, si (et seulement si) la délibération le permet.
- Report l’année suivante, si la collectivité l’autorise.
- Récupération par des heures supplémentaires.
Nulle part il n’est dit :
« Vous pouvez imposer des RTT qui n’existent pas. »
Absolument nulle part.
Ce qui est strictement interdit
Rappel (certains en ont visiblement besoin) :
👉 imposer des RTT à un agent qui n’a pas généré de droits, c’est illégal.
Pourquoi ?
Parce que les RTT ne sont pas des congés cadeaux, mais une compensation pour un temps de travail supérieur à 35 h.
Si le temps n’a pas été fait, il n’y a aucun droit.
Étonnant, non ?
Et si la collectivité ferme ?
Bonne nouvelle : les textes prévoient des solutions !
Mauvaise nouvelle : aucune ne s’appelle “RTT forcé inventé pour l’occasion”.
Les options légales :
- Congés annuels, mais seulement avec accord de l’agent.
- Télétravail.
- Mise en congé d’office, mais uniquement dans les rares cas prévus par la loi.
Mais non, imposer des RTT fictifs n’est pas une option réglementaire. Même en tout petit en bas de page. Même en écrivant très vite.
En conclusion : un peu de mathématiques simples
- L’agent n’a pas généré de RTT
- La collectivité veut lui en imposer
- Cela n’existe dans aucun texte
0 (droit généré) + 0 (fondement légal) = –2 (jours RTT imposés et +)
La magie administrative dans toute sa splendeur.

